le Dimanche pas d’acces a Internet, il faut atttendre aujourd’hui…. Concert du samedi 6 septembre
L’heure du concert approche, tout le monde s’affaire dans la maison de la Mamita Rosa. Les femmes sortent les robes délicatement pliées et rangées, et se parent de leurs plus beaux atours, les hommes essaient leur chemise, leur pantalon. Guillaume, exigeant avec lui-même reprend inlassablement les traits de la Symphonie Concertante. La pression monte. Un raccord est prévu à 17h, il faut croire que nous nous habituons très vite à la nonchalance argentine, c’est l’heure à laquelle nous partons. Il faut presque une demi heure pour rejoindre le palais du gouverneur. C’est une fin de samedi après-midi, les rues sont désertes, la camionnette que conduit Gabriel s’engage prestement.
Nous sommes au Palais, nous passons le contrôle pour accéder au salon doré : présentation du passeport, inscription sur un registre. Tout le monde a son document sauf Marie-Suzanne qui se cache derrière la contrebasse et franchit le passage incognito.
Les autres musiciens nous attendent dans la grande salle : belles proportions, acoustique très fidèle. Comme partout ailleurs il en manque quelques uns : Ignacio termine sa répétition au Teatro Argentino, et Esteban, le 2nd altiste, n’est pas là, personne ne sait ce qu’il devient (je l’ai déjà à l’œil celui-ci).
Le raccord peut commencer. Ignacio nous a rejoint. L’Impresario, Stamitz, Mozart, Piazzolla : quelques passages, bon raccord, des décalages, imprécisions, le stress n’est pas encore là, et avec la concentration, l’interprétation sera meilleure.
L’heure du concert est déjà passée, Esteban est arrivé, la salle est vide, petite angoisse, interrogation. On m’indique que la pluie, l’heure, …… je sors, un public nombreux attend à l’extérieur, dans le calme. Ce doit être l’habitude ici. A 19h20, les portes s’ouvrent. les chaises se garnissent, les rangées se remplissent, plus de 200 spectateurs, le calme, toujours.
L’orchestre est installé, Fernand se renseigne auprès d’Ignacio, j’attends leur signe pour me diriger sur la scène. A 19h25, je franchis de bout en bout la salle. Les applaudissements, je monte sur l’estrade, salue José Bagnati, le public : démarrage du concert avec l’ouverture dynamique et gaie, bon échauffement, l’orchestre met toute son énergie. Le public apprécie.
Frédéric Bara s’engage à son tour sur la scène : Concerto de Stamitz. Une 1ère violon, Branda, présente visiblement des signes d’angoisse, elle semble tétanisée, peut-être un démarrage déplacé dans Cimarosa ? Un trouble extérieur ? Elle ne peut jouer. José Bagnati lui conseille de sortir, ce qu’elle fait. L’orchestre entame l’œuvre, Ignacio rejoint au premier rang le 1er violon solo, Marie-Suzanne se retrouve seule. Mais tout cela ne perturbe pas l’introduction qui est jouée avec dynamisme, délicatesse, lyrisme, contraste. Je sens que pas grand chose peut arriver. Lorsque Frédéric attaque le 1er solo, c’est gagné. L’orchestre soigne ses réponses, est très attentif, les tutti se renforcent bien. La fin de la cadence, la coda, le 1er mouvement s’achève : applaudissements .
L’Andante Moderato, douceur, mélancolie, beauté, Frédéric fait ressortir magnifiquement les sonorités graves et nobles de l’instrument. De nouveau des applaudissements, tous les mouvements sont salués par le public. Le Rondo, le refrain, le minore, le majeur, l’espièglerie du soliste qui, à la dernière cadence, se lance dans un Tango (la Comparsita), tout le monde reconnaît : salutation méritée.
Une courte pause, j’en profite pour m’inquiéter de la jeune Branda, je l’aperçois à l’extérieur avec sa mère et sa sœur. A ma question « comment vas-tu » elle me répond « mal ». elle ne fera pas le concert.
Nous commençons la symphonie Concertante. Le premier mouvement est bien installé, en place. Les solistes, pour leur entrée, se fondent dans l’orchestre, émergent peu à peu par une merveilleuse mélodie soulignée des pizzicati des cordes. Dialogue permanent entre le violon, Guillaume, et l’alto, Frédéric, par deux musiciens qui se connaissent et s’apprécient. Il faut veiller à tout, les attaques, les nuances, la cohésion, les réponses, mais l’orchestre est vraiment bon, et tout le monde passe un beau moment.
Second mouvement mélancolique, lyrique, poursuite de ce dialogue (pas d’affrontement), sur un rythme appuyé de croches, quelques courtes interventions de l’orchestre. Dernier mouvement, Presto, le tempo doit être soutenu, mais pas de précipitation. Les deux solistes rayonnent, soignent leurs solos, continuent leur conversation. Pour moi, plus de crainte, c’est réussi. Les spectateurs déclenchent un tonnerre d’applaudissement. les solistes saluent, l’orchestre se lève.
Oblivion conclut le programme. Le jeune joueur de bandonéon Santiago Munoz reproduit le même miracle qu’aux répétitions : public, musiciens, tous accrochés à ce chant, émotion, nostalgie si présente dans le tango et particulièrement soulignée par l’instrument. Des frissons partout, au bord des larmes, la magie fonctionne.
Cette fois-ci le public se lève, les solistes se représentent pour un dernier salut, il faut attendre quelques minutes. Puis le silence, les embrassades qui suivent, les félicitations des amis, quelques autographes. Les musiciens mettent leur dédicace sur la partition de Mozart, Guillaume, Frédéric en premier. Je retire ma queue de pie, nous nous dirigeons sur le devant du Palais. Une fête organisée par Ignacio, Gabriel nous attend, la nuit sera longue pour quelques uns, Guillaume nous quitte déjà demain.
Que la nuit de La Plata résonne encore longtemps !